Louis-Claude de Saint Martin est né à Amboise le 18 Janvier 1743, de Louise Tournyer et de Claude-François de Saint Martin. Il est décédé le 13 Octobre 1803.
Voilà très brièvement pour son état civil.
Il perdra très jeune l’affection de sa mère qui naîtra au Ciel alors qu’il n’avait pas 3 ans. Mais, à partir de ses 6 ans, il recevra les bons soins d’une belle-mère aimante et attentionnée. L’enfant est élevé dans une famille pieuse et c’est probablement un climat propice à développer chez lui le goût des mystères Divins.
Sa santé est fragile, voire précaire puisqu’il dira dans « Portrait » « j’ai changé 7 fois de peau étant en nourrice ». C’était un enfant doux, réservé et un peu mélancolique, on voit clairement, dans ces traits de caractère, se profiler l’adulte à venir pour qui les joies ordinaires resteront inconnues.
Son père faisant profession d’Avocat, c’est tout naturellement vers le droit qu’il orientera ses études en entrant à la faculté de droit de Paris. Ces années d’études le confronteront à la vie estudiantine qui aura peu d’attrait pour lui tout autant que le droit qui ne le passionnera pas, c’est le moins que l’on puisse dire, et auquel il préférera la lecture des philosophes du siècle dit des lumières !
Cependant, pour être conforme au désir de son père, il obtiendra sa licence en droit. Mais il se sent mal à l’aise dans cette société déjà matérialiste qui laisse bien peu de place à ses hautes aspirations spirituelles.
Il a très certainement senti très tôt qu’il était dans le monde sans être du monde.
Pour suivre la tradition familiale et satisfaire au désir paternel, il sera reçu avocat du Roi à Tour le 9 août 1762, oserais-je dire la mort dans l’âme ?
Très vite, il se rendra compte que la magistrature n’est pas sa voie, la charge lui pèse tant qu’il ne voudra plus continuer à exercer une profession à laquelle il se sentira totalement étranger.
Sa reconversion ne semble guère plus judicieuse : le Duc de Choiseul décidera de le faire entrer dans l’armée comme officier. Comment imaginer Louis-Claude de Saint Martin exerçant le métier des armes ?
Cependant, le destin prend parfois des détours étonnants pour nous conduire sur la bonne voie, à moins qu’il ne s’agisse de la manifestation de la grâce de Dieu qui surveille de près les brebis qui s’égarent…Il fallait bien que l’officier Saint Martin devienne le Philosophe Inconnu !
En effet, c’est dans le Régiment Foix-Infanterie que Saint Martin va rencontrer celui grâce à qui il s’engagera sur le chemin initiatique que nous connaissons. C’est à Grainville, premier Capitaine des Grenadiers, que revient ce mérite ! Promu Lieutenant à 26 ans, Saint Martin ne sera guère plus passionné par le métier des armes que, naguère, par l’exercice de la magistrature. Il dira d’ailleurs « je me serais plus accommodé à être simple soldat pour obéir aux ordres plutôt que d’en donner »…C’est dire s’il était motivé par ses nouvelles fonctions !
Sur les conseils de Grainville, il entrera en maçonnerie et se livrera, certainement avec bonheur, à l’étude que suppose et nécessite l’appartenance à une société initiatique. Mais c’est une autre rencontre qui va initier, dans tous les sens du terme, un bouleversement dans sa vie.
N’oublions pas que le Régiment Foix-Infanterie est en garnison à Bordeaux…Quelle chance ! Cette rencontre capitale est donc, bien évidemment, celle qu’il va faire avec celui qu’il considère comme son premier Maître : Martinès de Pasqually.
Si vous m’avez bien écoutée vous aurez remarqué que je parlais, jusqu’à présent, de Saint Martin au passé mais, dès maintenant, je vais parler de lui au présent parce que son œuvre est intemporelle et qu’elle nous concerne tous, hommes de désirs, au présent.
A partir de cette rencontre avec Martinès il nous offre une voie royale, la voie du salut !
Martinès fut sans doute dépositaire d’une transmission paternelle judéo-chrétienne due à son origine marane. Il avait organisé son Ordre, en tous cas à Bordeaux, à partir d’avril 1762 jusqu’au 5 mai 1772, date de son départ pour Saint Domingue d’où il ne reviendra pas.
Son but, très globalement, était de rétablir le culte primitif. N’étant pas Coën, je ne m’arrêterai pas sur les détails de son organisation. Cependant, Saint Martin, malgré les impératifs que lui impose sa vie de garnison, reçoit les premiers grades Coën entre l’été 1765 et l’hiver 1768, probablement du Chevalier Baudry de Balzac. Dès lors, Saint Martin n’aura de cesse que de progresser dans l’Ordre.
A partir de 1768, il établit une relation étroite avec Martinès et en 1771 il devient son secrétaire, faisant suite à l’Abbé Fournier qui l’avait précédé dans cette fonction. Très impliqué, il copie les rituels et entre en relation avec les chefs de l’Ordre dont Jean-Baptiste Willermoz.
Il participe aussi, et ce n’est pas rien, à la mise en forme du Traité.
Toujours très motivé, il assiste son Maître lors des préparations rituelles. Prières, invocations, tracés, sont destinés à l’œuvre majeure de réconciliation. Saint Martin y met toute sa ferveur et maitrise rapidement les rites bien que sa faible constitution physique pâtisse sérieusement des efforts requis pour mener à bien les opérations.
Puis, il vient à s’interroger sur la légitimité de ce cérémonial, allant jusqu’à dire à Martinès « faut-il tout cela, Maître, pour prier le bon Dieu ? » question à laquelle Martinès répond « il faut bien faire avec ce que l’on a ». Plus tard, il va être amené à se distancier des pratiques théurgiques au profit d’une voie intérieure, la voie de l’interne, dont je parlerai plus loin.
Pour l’heure, il se penche sur le Traité de façon d’autant plus profonde qu’il collabore activement à sa rédaction. Il s’imprègne de la doctrine de Martinès qui expose, entre autre, pour faire court, la chute des anges rebelles puis celle d’Adam et les conséquences terribles qui en découlent.
Adam, après avoir prévariqué, perdra son corps de gloire et sera enfermé dans un corps de matière, gardant en lui l’image Divine mais en perdant la ressemblance. Il entrainera dans sa chute toute sa postérité et il faudra une triple intervention divine pour nous restaurer, un jour, dans notre première propriété, vertu et puissance spirituelle divine :
- La réconciliation d’Adam par Hély, après la chute
- La réconciliation des hommes par Jésus-Christ, vrai homme et vrai Dieu qui est venu, non pour abolir la loi de Moïse, mais l’accomplir à notre place en mourant sur la croix
- Le retour à la fin des temps du Christ comme Emanuel pour opérer la réintégration.
Passionné par le travail qu’il accomplit avec Martinès, il décide, après 6 ans passés à Foix-Infanterie, de se libérer de ses obligations militaires pour retrouver la liberté de s’adonner à plein temps à ce qui le passionne tant. Saint Martin est ordonné Réau+Croix par Martinès le 17 avril 1772, lequel s’embarquera peu après pour Saint Domingue…..aller sans retour !
Après la mort de Martinès, il reste en relations épistolaires avec les nombreux contacts que sa position de secrétaire lui avait permis d’établir. Ceux-ci vont rapidement voir en lui un possible et savant instructeur et Willermoz va lui confier officiellement cette fonction, l’accueillant chez lui pour plus de commodité.
Saint Martin y commence la rédaction « des erreurs et de la vérité » et les deux hommes planifient un programme d’enseignement que Saint Martin prodiguera aux frères de Lyon, assisté de Willermoz et de Jean Jacques du Roy d’Hauterive : viennent de naitre les fameuses Leçons de Lyon dont le but constant, quels que soient les sujets abordés, est « comment travailler à la réconciliation de l’homme ? ».
Cachet de Saint Martin
Les Leçons de Lyon prennent fin le 10 avril 1776. Saint Martin quitte Lyon et fréquente les salons parisiens, notamment celui de Madame de Lusignan, chez qui il a ses entrées et grâce à laquelle il peut côtoyer les personnes importantes et influentes du royaume.
Comme le temps nous est un peu compté, je suis obligée d’écourter le récit des pérégrinations de Saint Martin pour arriver à sa rencontre, par delà l’espace et le temps, avec son second maître : Jacob Boehme.
Lors d’un séjour à Strasbourg, il rencontre Charlotte de Broecklin, une Allemande érudite et passionnée par l’œuvre de Boehme. Celle qu’il appelle « ma chérissime B » par souci de discrétion va devenir pour lui une amie d’exception et ils vont entretenir une longue et riche correspondance.
Il va s’écarter de la Franc Maçonnerie puis, découvrant l’œuvre de Boehme qu’il va traduire en Français, il rejette la théurgie Coën pour proposer une voie plus intérieure.
Pendant les 10 dernières années de sa vie, il va négliger l’écriture pour se consacrer à la traduction des livres de Jacob Boëhme qui étaient dans son propre pays, l’Allemagne, pratiquement tombés dans l’oubli.
Pour ce faire, il va apprendre l’allemand, langue qu’il ne pratiquait pas du tout. Mesurez vous l’ardent désir qui l’animait pour qu’il se livre à un tel travail ? Il apprend l’allemand non seulement pour le parler couramment mais encore pour traduire fidèlement la pensée subtile et quelque peu compliquée de Boehme. Il est facile en lisant ses œuvres en français de prendre conscience du mérite de Saint Martin à s’attaquer à pareille tâche !
On peut affirmer sans risque d’erreur, que c’est Saint Martin qui a permis, non seulement en Allemagne mais dans l’europe entière, de redécouvrir ce penseur d’exception.
Il comprend que Boehme est de la race de son premier maitre et qu’il ne faut pas les opposer mais au contraire les conjoindre. Il écrit dans « Mon portrait historique » : « Notre premier maitre avait certaines lumières, mais le second, B, a des lumières supérieures encore qui nous font aborder des domaines insoupçonnés ». Quels sont donc ces domaines ? Ils touchent à la nature du Principe Premier, ce Principe est un sans fond (ungrund), un rien, un néant. Il se dévoile dans son retrait.
Etant donné l’importance de Boehme dans la pensée de Saint Martin, il est utile d’en dire quelques mots : il est né en 1575 et mort en 1624. C’était un simple cordonnier qui, très jeune, était gardien de troupeau. On dit qu’un jour où il gardait ses bêtes, il trouva un trésor dans une grotte mais n’y toucha pas. On y verra symboliquement, son accès au trésor caché des mystères Divins.
L’histoire dit encore qu’un jour où il était seul dans son atelier, un étranger se présenta pour acheter une paire de chaussure. N’osant lui vendre ce qu’il demandait, l’apprenti lui proposa un prix supérieur pour dissuader le client qui cependant accepta. En sortant de l’échoppe avec son achat, ce singulier personnage lui dit d’une voix forte ‘Jacob tu es peu de chose mais tu seras grand et tu deviendras un autre homme, tellement que tu seras pour le monde un objet d’étonnement »
Il vécu une expérience mystique et restera 7 jours dans les plus hauts degrés de la contemplation intérieure et aura encore des grâces inexplicables mais la Grâce Divine s’explique t’elle ?
Il écrira fidèlement les récits de ses visions en rédigeant son 1er livre « L’aurore naissante ». Il y aurait beaucoup à dire sur ce sujet mais ce n’est pas celui qui nous occupe aujourd’hui. Il nous suffit, pour l’heure, de savoir que Saint Martin a reconnu dans les travaux de Boehme ce qu’il aurait pu écrire lui-même.
Il ne se contente pas de traduire Boehme mais va jusqu’à payer de ses deniers la parution en français de l’Aurore Naissante et nous livre cette réflexion dans « mon portrait… » :
« Dans le mois de Brumaire an IX, j’ai publié ma traduction de l’aurore naissante de Jacob Boehme. J’ai senti en la relisant de suite et tout à mon aise que cet ouvrage serait béni de Dieu et des hommes, excepté du tourbillon des papillons de ce monde qui n’y verront rien… »
Saint Martin déplore de ne pas être entendu et compris des hommes du torrent qui n’aspirent qu’à se bercer d’illusions ou de croyances.
Au cours de l’été 1803, il se rend à Amboise mais sent que sa santé se dégrade sérieusement. Ce constat ne le chagrine pas et il l’accepte très sereinement. Il quitte cette terre le 13 octobre 1803 entouré de quelques amis venus l’assister.
B - SON OEUVRE
Les ouvrages de Saint Martin ont pour but d’expliquer la nature par l’homme et de ramener toutes nos connaissances au Principe dont l’Esprit humain peut devenir le centre. Je vais résumer le plus brièvement possible ses œuvres majeures, ou, tout du moins les plus importantes à mon sens.
DES ERREURS ET DE LA VERITE. Publié en 1775
Il fut écrit en réponse aux dires de Boulanger qui affirmait que les religions étaient nées à cause de la frayeur que les hommes éprouvaient face aux phénomènes naturels qu’ils ne savaient pas expliquer. Après avoir fait remarquer aux hommes l’incertitude de leurs recherches et les continuelles méprises qui en découlaient, il leur indique la route qu’ils auraient du suivre et démontre que l’homme possède en lui une lumière active et intelligente qui est seule à la source de la pensée religieuse, un savoir non matériel.
LE TABLEAU NATUREL. Publié en 1782
C’est un traité de science initiatique qui prend sa source dans l’âge d’or, passe par la chute pour arriver à la réintégration finale. Saint Martin se penche sur l’étude des Lois qui régissent l’univers et livre quelques vérités profondes à ce sujet. Selon Saint Martin, l’homme, le quaternaire, en sombrant dans la matière ténébreuse, s’est enfermé dans la circonférence du zéro. Il lui faudra donc faire pénétrer l’unité dans ce quaternaire pour rétablir l’ordre universel brisé par la chute. Pourrait-on y voir une suite du Traité de Martinès ?
L’HOMME DE DÉSIR. Publié en 1790
Ce sont des « chants » dans lesquels l’âme humaine se reporte vers son état premier que la voie de l’Esprit peut lui faire recouvrer par la bonté Divine ; Kirchberger considèrera cette œuvre comme la plus riche en pensées lumineuses et Saint Martin trouvera dans ses propres écrits des germes qu’il avait semés mais qui prendront sens pour lui après qu’il ait étudié Boehme.
LE NOUVEL HOMME. Publié en 1792
L’idée fondamentale de cette œuvre est que l’homme porte en lui une sorte de texte dont toute sa vie devrait être le développement car l’âme de l’homme est une pensée de Dieu. Il en découle que le moyen de nous renouveler pour rentrer dans notre nature consiste à penser par notre propre Principe et d’employer nos pensées comme autant d’organes pour opérer ce renouvellement. Saint Martin dira plus tard qu’il n’aurait pas écrit ce livre, ou alors qu’il l’aurait écrit autrement, s’il n’avait pas eu connaissance des écrits de Boehme.
ECCE HOMO. Publié en 1792
Il a publié ce livre à l’intention de la Duchesse de Bourbon pour répondre aux faiblesses spirituelles de cette amie un peu trop fascinée par le merveilleux et le somnambulisme. Saint Martin y invite à la prudence face à ces pratiques et rappelle à nouveau les principes fondamentaux qui régissent la destiné de l’homme. Il y expose la misère présente des hommes et l’espoir de leur possible réhabilitation.
LE CROCODILE. Publié en 1799
C’est un poème épique de 102 chants. On y retrouve de longs voyages sans accidents qui soient mortels ; un peu d’amour, sans aucune de ses fureurs ; de grandes batailles où pas une goutte de sang n’est versée ; quelques instructions sans le bonnet du docteur.
S’y mêlent le fantastique, l’occulte, la satire. L’action se passe pendant la révolution et les personnages sont en relation avec les principes de la doctrine martiniste.
LE MINISTERE DE L’HOMME ESPRIT. Publié en 1802
Le but de ce livre est de montrer comment l’homme esprit, c'est-à-dire celui qui exerce un ministère spirituel, peut s’améliorer, se régénérer, lui et les autres, en rendant la Parole, le Verbe à l’homme et à la nature. La grande amélioration que propose Saint Martin consiste dans le développement radical de notre Essence Divine. Le Ministère de l’homme esprit apprend enfin à opérer en lui-même l’action du Réparateur, en s’immolant, à son exemple, pour se séparer du règne matériel, organe du mal.
On retrouve aussi d’autres ouvrages dans ses œuvres majeures comme « De l’esprit des choses publié en 1800, et parmi ses œuvres posthumes « Des Nombres » publié en 1848.
C – SA PENSEE
Nous avons vu plus haut que Saint-Martin s’éloigne de la Maçonnerie et qu’il rejette la théurgie Coën, voie de l’externe, pour proposer une voie plus intérieure. Cette voie est celle de l’interne nommée parfois imprudemment la voie cardiaque. Si Saint Martin utilise plus volontiers les mots « voie de l’interne » c’est probablement afin d’éviter la confusion néfaste avec ceux de « voie cardiaque ».
Bien évidemment, il ne s’agit pas des bons sentiments, des bonnes actions non plus que de l’affect comme pourrait le laisser entendre le mot « cœur » : ce domaine là est uniquement celui du terrestre et de la matière.
Le cœur, siège de la voie interne, signifie autre chose !
Dans l’homme, ce cœur là, est la figuration de son centre radical, de sa pure Conscience. La voie interne est une exploration systématique et consciente de notre univers intérieur, depuis les zones superficielles jusqu’au centre radical qui, lui, est éternel.
C’est dans ce sens là uniquement qu’il faut entendre la pensée de Saint Martin. Explorons donc sa pensée si riche et si simple à la fois.
En quoi consiste donc cette voie de l’interne ? Je viens de la définir mais laissons la parole à Saint Martin, il nous dit : « La seule initiation que je prêche et que je cherche de toute l’ardeur de mon âme, est celle par où nous pouvons entrer dans le cœur de Dieu et faire entrer le cœur de Dieu en nous pour y faire un mariage indissoluble qui nous rend, l’ami, le frère et l’épouse de notre Divin Réparateur. Il n’y a d’autre mystère pour arriver à cette initiation que nous enfoncer de plus en plus jusque dans les profondeurs de notre être et de ne plus lâcher prise que nous ne soyons parvenus à en sortir la vivante et vivifiante racine ».
Saint Martin nous invite donc à entrer, avec une sorte de dépouillement, dans le recueillement, le silence, la méditation solitaire qui va nous conduire à un cœur à cœur avec Dieu.
Il convient pour y parvenir d’aller chercher au plus profond de nous-mêmes, dans notre cœur/centre, les lumières enfouies qui n’attendent que de se révéler à nous pour peu que l’on s’en donne les moyens.
Ces moyens sont la purification, la sanctification, la régénération et la prière. La purification est une condition obligatoire pour pouvoir s’unir à Dieu. Comme on ne fait pas entrer un hôte dans une maison sale, il serait bien illusoire de vouloir convier Dieu dans un cœur/centre souillé.
Il faut donc en extirper toutes nos prétentions humaines, la plupart du temps très égotiques, abandonner nos attachements à ce qui n’est pas fixe en nous pour nous approcher le plus possible de la seule Vérité. Saint Martin nous le dit dès la 1ère page du Nouvel Homme : « la Vérité ne demande pas mieux que de faire alliance avec l’homme mais elle veut que ce soit avec l’homme seul et sans aucun mélange de tout ce qui n’est pas fixe et éternel comme elle ». Il nous dit plus loin : « tremblons donc que les canaux de notre être ne soient pas assez purifiés pour que la Vérité passe en lui sans y éprouver de la gène et de la douleur ».
Prenons donc bien conscience de la dégénérescence de notre condition actuelle, des ravages quotidiens que produisent nos ego et de leurs tristes répercussions. Reconnaissons nous donc totalement indignes, petits et misérables mais dignes cependant dans l’espérance de retrouver un jour notre vraie nature.
Qu’en est-il maintenant de la sanctification ? Voilà ce que nous en dit Saint Martin au chapitre 224 de l’homme de désir : « Le Père a sanctifié le Fils, le Fils a sanctifié l’Esprit, l’Esprit a sanctifié l’homme. L’homme doit sanctifier tout son être ; son être devait sanctifier les agents de l’univers ; les agents de l’univers devaient sanctifier toute la nature et, de là, la sanctification devait s’étendre jusqu’à l’iniquité ».
Vaste programme qui reste à accomplir en ce qui nous concerne. Nous devons absolument nous abandonner tout entier à l’amour Divin, mettre à nu notre cœur et nous confier à la miséricorde du Seigneur. C’est véritablement un total engagement de notre être, sans la moindre retenue, un « retranchement des œuvres du monde » conscient et accepté.
Bien sûr, nous sommes prisonniers de notre corps de matière et nous continuons en permanence à commettre des actes plus ou moins réprouvés. C’est donc avec cette lucide certitude que nous devons nous engager sur le chemin de la régénération, faire mourir en nous le vieil homme pour permettre la naissance du nouvel homme.
Il va falloir transformer l’homme dégradé en homme régénéré, car sans cette transformation du cœur aucune prière n’est prononcée correctement. Les ténèbres ne sont dissipées que par la régénération spirituelle et c’est au prix d’un repentir sincère que se renouvelle le cœur et que s’envisage la régénération. Voilà le véritable travail de l’interne car c’est dans le cœur/centre que s’obtient, ou pas, un devenir pour l’âme.
C’est donc dans ces conditions réalisées que la prière va devenir opérante !
Comment faut-il donc prier ? Il y a bien évidemment plusieurs manières de le faire en fonction de différents critères mais dans l’homme de Désir Saint Martin nous dit : « si vous ne savez pas comment prier, répétez donc sans cesse : je commande à l’iniquité de fuir loin de moi ; je commande à tous les secours naturels et spirituels de se rassembler autour de moi ; je supplie tous les élus purs de me conduire et de me protéger ; je me prosterne devant celui qui seul peut rétablir tous mes rapports ».
Cette prière est puissante. En effet « je commande à l’iniquité de fuir loin de moi », par cet acte conscient, la porte inférieure du cœur est fermée. C’est la phase de purification. « Je commande à tous les secours naturels et spirituels de se rassembler autour de moi » cette phase de demande s’effectue par la porte supérieure du cœur qui ouvre sur le monde des puissances divines pures mais aussi sur toutes les puissances secondes qui dirigent la création. Saint Martin ne nous demande pas de nommer qui que ce soit, car, l’attitude du théurge est d’accepter ce que Dieu veut bien lui donner et seulement cela. « je supplie tous les élus purs de me conduire et de me protéger » : cette seconde demande s’adresse à la communion des Saints. Là encore, on ne nomme personne, viendra à nous qui doit venir en fonction de la volonté Divine. « Je me prosterne devant celui qui seul peut rétablir tous mes rapports » : cette attitude est la seule qui permette de s’ouvrir en coupe pour recevoir ce que Dieu veut bien nous accorder.
Nous retrouvons dans cette prière : purifie toi – demande – reçois, ce qui permet l’action juste. Dans les trois phases préliminaires le théurge fait un appel direct aux êtres concernés. Pour appeler Dieu, il entre en totale passivité par la prosternation. Cet appel à la réhabilitation est lancé vers Dieu dans un respect absolu. Elle marque l’humilité du théurge qui sait que seul Dieu possède le véritable agir.
Ceci n’est qu’une petite approche de la prière, qui va terminer le survol de la pensée de Saint Martin sur laquelle il y aurait encore beaucoup à dire mais le temps ce soir nous manque pour aller plus loin…Laissons quand même à Saint Martin les mots de la fin :
« Ma tâche dans ce monde a été de conduire l’esprit de l’homme par une voie naturelle aux choses surnaturelles qui lui appartiennent de droit mais dont il a perdu totalement l’idée, soit par sa dégradation, soit par l’instruction fausse de ses instituteurs…Cette tâche est neuve mais elle est remplie de nombreux obstacles et elle est si lente que ce ne sera qu’après ma mort qu’elle produira ses plus beaux fruits… »
Joelle Soulier, le 29 novembre 2013